LE DIEU DU CARNAGE
A l’école, deux enfants entrent en conflit. Les familles se retrouvent pour élaborer un traité de paix. A la fin, c’est une véritable guerre qui éclate. La guerre des narcissismes d’aujourd’hui.
Dans la cour de recréation, Ferdinand attaque Bruno à coups de bâton. Les parents se rencontrent pour régler le litige dans l’appartement du blessé. Au tout début, urbains, bienveillants, conciliants, ils tentent de tenir un discours commun de tolérance et d’excuse qui s’envenime peu à peu. Entre Alain Reille, avocat sans scrupule qui répond sans cesse à son portable tout en défendant une vision du monde à la John Wayne, Véronique Houillé à la morale citoyenne qui écrit un livre sur le Darfour, son mari Michel qui vient d’abandonner le hamster de sa fille dans le caniveau et Annette Reille qui se met à vomir, c’est la débandade, le chacun pour soi, le conflit ouvert, la catastrophe qui s’annonce …
A partir d’un petit fait du quotidien chez des quadras bourgeois, Yasmina Reza évoque avec jubilation, férocité et tendresse tous les paradoxes de la condition humaine: l’égoïsme et la générosité, la responsabilité et l’indifférence, la politesse et la brutalité, le futile et le grave, tout le dérisoire des grandes déclarations qui s’effondrent à la moindre anicroche.
Yasmina Reza est la fille d’un père ingénieur juif, mi-iranien, mi-russe, et d’une violoniste hongroise arrivée en France pour fuir la dictature soviétique. Yasmina Reza étudie le théâtre et la sociologie à l’université de Nanterre. Sa pièce «Art» (1994), récompensée par un Molière, fait un triomphe partout dans le monde. Le même humour et la même lucidité caractérisent Le Dieu du carnage (2008) et la plupart de ses œuvres récentes, comme Bella Figura, créée en 2015.
Dix ans après la création du Dieu du carnage, la société a encore évolué. La dislocation de la cellule familiale est doublée par celle de l’individu lui-même en proie à un narcissisme dévastateur, sans empathie ni pitié. C’est de ce narcissisme que Frank Hoffmann veut parler dans sa mise en scène. Trop occupés par eux-mêmes, et pour compenser l’abandon affectif de leurs enfants, hommes et femmes d’aujourd’hui développent une surprotection à la mesure de leur mauvaise conscience. Finalement, ce sont eux les mal-aimés, ce sont eux les abandonnés, ce sont eux les véritables enfants. Et comme tels, ils entrent dans un conflit sans merci.
Mise en scène: Frank Hoffmann
Scénographie: Christoph Rasche
Costumes: Sophie Van den Keybus
Musique: René Nuss
Lumières: Daniel Sestak
Dramaturgie: Andreas Wagner
Assistant à la mise en scène:Patrick Gafron
Avec: Valérie Bodson, François Camus, Jeanne Werner, Serge Wolf